Les pétales blancs

Publié le par Patrice Salzenstein le poète

...

    Il est presque deux heures du matin. Le vent a déposé des pétales blancs sur le vélux de ma soupente. La pluie qui tombe semble vouloir les emporter, mais je les vois résister vaillament à la force de l'eau sur la leur de ma lampe. Ces morceaux de fleurs s'accrochent dans un combat à l'issue certaine. La volontyé qui les retient contre le verre, c'est le mur de Berlin dressé sur l'abime de la crise humaine. Comme lui, elle finira par céder au caprice invisible de l'onde qui la pousse irrésistiblement au précipice. Dans le désir de tomber dans la gouttière qui canalise le flot mécontent, ces feuilles blanches au parfum délicieux vont croire un instant à la liberté retrouvée, comme tout-à-l'heure, lorsqu'elles volaient au gré du vent. Près des tuiles assoupies, elles suivront l'espoir du canal qui les conduira au tuyau, et dans l'insouciance d'un instant, ne daigneronty pas voir une dernière fois le ciel étoilé noirci de pluie, pour plonger définitivement dans le conduit vertical des eaux usées...

    C'est là une impression sur ce qui se passe dans certains pays de l'Est européen. Les gens me font l'effet de ces pétales fatigués de se battre contre les éléments, qui choisissent trop facilement le chemin que l'on a tracé devant eux. Ne devraient-ils pas attendre que la pluis cesse, sécher, et se laisser emmener par une rafale de vent, vers l'herbe douce du jardin?

Patrice Salzenstein, 23 avril 1990

Publié dans Sur Ordre du Chaos

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